– Clac!
Le bruit de la gifle retentit comme le son du fouet du dompteur au dessus de la tête du fauve. L’enfant porta la main à sa joue sans parvenir à recouvrir complètement l’empreinte déjà violacée laissée par la main qui a envoyé sa tête swinguer sur le mur quelques secondes plus tôt.
– Je t’interdis de pleurer!
Aussi fugace qu’un rayon de soleil un jour d’orage, un pathétique sourire étira tant bien que mal les petites lèvres charnues, d’un rose nacré, formant un contraste désespérant avec les deux fontaines que tentent en vain d’endiguer la frêle barrière des cils.
– Va te préparer! Je t’emmène à l’église confesser ton mensonge, après nous allons au gouter d’anniversaire de Cédric. Tu ne le mérites pas mais ça le peinerait de ne pas te voir.
Une fois l’enfant partie, se trainant comme un forçat sous le poids des injures, la voix reprit :
– Franchement, Benoit, même verbalement tu pourrais te porter à mon secours! Je ne sais plus où donner de la tête avec cette gosse!
– Calme-toi chérie, je te promets d’y mettre bon ordre dès ce soir, répondit l’homme qui se tenait à l’écart.
– A la bonne heure! rétorqua sa femme. J’espère seulement qu’il te restera assez d’énergie pour t’occuper de moi après. Il ne faudrait surement pas que tu sois contrarié au point de me délaisser. Je te jure que ce ne sont pas les occasions qui manquent avec cette enfant.
En le regardant, on pouvait comprendre les inquiétudes de sa femme. Il avait ce corps d’athlète et rayonnait de cette puissance mâle qui faisait que même les plus prudes étaient convaincues qu’elles seraient damnées si elles gaspillaient une nuit à dormir quand il se trouve de l’autre coté du lit. Quelques minutes plus tard l’enfant reparut et ils se mirent en route pendant que la mère lui faisait remarquer que seule la reine des empotées mettait autant de temps à s’habiller.
A leur arrivée la fête battait son plein, aussi réussie que pouvait l’être un gouter d’anniversaire avec des parents dépassés, qui tentaient mollement de temps à autre de calmer une horde de chevaux de quatre ans.
– Enfin vous voilà! C’était la mère du roi du jour qui accueillait les nouveaux arrivés. Carine ma poupée tu es magnifique! Encore plus jolie que mon parterre de roses et Dieu sait à quel point je m’y consacre!
– Merci tante Alice, tu es très jolie aussi, nous pourrions être les deux plus belles ro…
– Qu’est-ce que c’est que ces manières, Anne-Carine? Comment oses-tu te comparer aux grandes personnes? jeta la mère, outrée.
– Je t’en prie, Claudette, ne la rabroue pas. Ses compliments me font toujours plaisir et en plus ils sont inoffensifs. Je suis certaine que je ne flash pas autant qu’elle le dit. C’est à peine si j’ai eu le temps de me préparer convenablement avec tout ce qu’il y avait à faire ici. Mais dis moi vous êtes rarement en retard que s’…
– Ah, pitit! Toujours cette enfant qui a le chic de me gâcher la vie. Mademoiselle ne sait plus quoi inventer pour attirer l’attention, j’ai du l’emmener au confessionnal pour un mensonge tellement énorme que je serais gênée de te le répéter. Il faut croire que la cigogne les livre de plus en plus défectueux!
Sur ces entrefaites arriva le mari d’Alice qui fut accueilli d’un retentissant:
– Alors, vieille branche, tu te la fais à la bonne! de Benoit.
D’un timide :
– Bonjour oncle Gérard, de Carine.
Et d’un mielleux :
– Gérard, toujours aussi élégant! de Claudette.
La minute d’après dut subir des accolades à n’en plus finir, des petites fesses fugitivement pincées et des seins palpés à la sauvette. Puis la maitresse de maison demanda à son mari de conduire la petite au buffet, voulant lui éviter de se faire écraser par la cavalcade plus rapide que jamais, en faisant mine de ne pas entendre Claudette lui dire qu’à ce régime elle finira par rendre cette enfant impossible à vivre plus fainéante qu’elle ne l’était déjà.
Une fois Carine servie, Gérard se retira avec elle dans un coin du jardin à demi dissimulé par une forêt de plantes en pot.
– Viens t’asseoir sur tonton Gérard, ma petite femme. On va se donner la becquée pour pouvoir terminer nos assiettes au plus vite.
Puis découvrant l’énorme bleu sur la joue de l’enfant il s’écria :
– Mon Dieu! Comment t’es tu fais ca?
– C’est manman, souffla Carine.
– Ta manman t’a fait ca? Pourquoi?
Un long silence lui répondit. Voyant que la petite ne se décidait pas à parler il la pressa :
– Raconte moi, ma petite femme, tu sais bien que tu peux tout dire à tonton Gérard.
– Je… Je lui ai dit q… Je lui ai dit qu’il me… fait des choses quand il vient me b… hoqueta l’enfant.
– Qui te fait des choses, mon ange ?
– Mon… Mon pap…
– Allons, allons, calme toi. Là… ne pleure plus mon trésor. Je suis certain que ce n’est pas aussi grave que tu le penses. Là… calme-toi. Laisse tonton Gérard te consoler. Il est gentil n’est ce pas tonton Gérard? Tu dois être très gentille avec lui aussi, tu sais que ta manman aime quand tu es une gentille petite fille. Masse le ventre de tonton Gérard trésor, aide le à faire descendre tout ce gâteau qu’il a si gloutonnement avalé. Masse le ventre de tonton Gérard, descend plus bas… Encore plus bas sous la ceinture… Plus bas… Là… Masse plus fort trésor, masse tonton Gérard.
Et lentement il frotte le dos de la petite d’une main tandis que l’autre remonte le long de sa jambe, se faufile sous sa robe, s’insinue entre les petites cuisses qui dansent la Saint-Guy tant elles tremblent.
* * *
Marie Flore MORETT est née le 6 Juin 1989. Jeune fille dynamique, elle travaille depuis bientôt six ans à l’Institution Marie Vierge Clémente dont la moitié de la capacité d’accueil est réservée à des enfants souffrant de difficultés d’apprentissage, vivant avec un handicap moteur et des enfants dont la situation sociale, familiale et pécuniaire est plus que difficile. Flore a été couronnée Miss AnayizZ 2010 et a été nommée Ambassadrice de bonne volonté à la cause des personnes handicapées par la Secrétairerie d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées (SEIPH) en Décembre de la même année. Elle occupe son temps libre à rédiger des nouvelles et pour la dix-septième édition de Livres en folie, présente un recueil de nouvelles titré « Faux Semblant » qui est publié sous format imprimé (pour le lectorat courant) et sur CD Audio (pour les personnes malvoyantes ou non-voyantes).